La devise de la République.

Mardi soir, 20 H 30, séance du conseil municipal. Dans la salle du conseil, au mur, une affichette décline  le nom « Charlie » sous la forme renversée d’un acronyme (mot formé des initiales de plusieurs mots). Il y en a aussi d’autres exemplaires dans l’immeuble de la mairie.

Entreprise certes louable et sympathique sur le principe, mais était-il nécessaire de chercher à se distinguer à tout prix ? Le slogan « Je suis Charlie », se suffit largement à lui-même, d’autant qu’il a été universellement reconnu. L’affichette noire communément adoptée, portée à bout de bras dans les manifestations et réunions, apposée sur les vitrines de magasin et les pupitres des meetings, scotchée sur les lunettes arrière de voitures et les portes des maisons, inscrite à la une des journaux et incrustée sur les écrans de TV, n’avait sans doute pas besoin de substitut façon jeu télévisé et de son affichage.

En revanche, la maison commune des citoyens de Barneville-Carteret, ne comporte toujours pas sur son fronton la devise de la République « Liberté, Egalité, Fraternité », valeurs mère de la « Laïcité » qui sont, à elles quatre, le bien commun et indispensable de celles et ceux qui souhaitent vivre ensemble. Peut-être que cette devise pluriséculaire, par les temps qui courent,  ne fait pas assez « com » ?

Elle n’est bien évidemment qu’un symbole, mais justement, le temps d’aujourd’hui n’a-t-il pas, plus que jamais, besoin de symbole ? Le rappeler et le rappeler encore, ne semble pas devoir être un luxe.

Démocratie : elle devrait commencer au plus près.

Si l’on s’en réfère à la presse de ces derniers jours, un nouveau dossier d’aménagement en Côte des Isles déposé par une collectivité locale vient d’être retoqué par une juridiction administrative. Cela commence à faire beaucoup !!!

Après les précédents concernant les mairies de Barneville-Carteret, Portbail et, déjà la 3CI à au moins deux reprises (cale de descente à la mer de la base de char à voiles de Portbail et le pôle nautique de Carteret), bingo avec l’extension du golf de Saint-Jean…

Pour suivre l’air du temps, d’aucuns pourraient facilement tomber sur la pente conspirationniste et dans la théorie du complot, pourtant il n’y a certainement aucun point commun entre les recours, ici, de deux agriculteurs agissant conjointement ; là, d’une association de défense d’un site ou d’un espace naturel sensible ; là aussi, d’une entreprise écartée d’un marché ;  là encore, de citoyens agissant individuellement contre des décisions leur faisant grief. Au surplus, si ces recours prospèrent, soit temporairement, soit définitivement, ce n’est sans doute pas parce que la justice administrative pourrait être soupçonnée de gentillesse excessive vis à vis des plaignants -d’une manière générale mais non dogmatique pourtant, elle serait plutôt à l’écoute de l’Etat, des administrations et des collectivités, ne serait-ce que pour éviter une entrave systématique à l’intérêt général-, mais parce que très souvent les dossiers sont « mal fichus », comportent des erreurs voire des fautes, n’ont pas été consolidés, ont été montés à la va-vite pour d’obscures raisons juridiques ou financières, portés qu’ils sont par des élus enfermés dans leurs certitudes, emplis de la justesse de leur choix et dès lors, tentés de « passer en force ». Le risque aujourd’hui en est sérieusement augmenté par l’anémie progressive du « service du contrôle de la légalité des actes des collectivités territoriales » dans les préfectures et sous-préfectures.

Et pourquoi donc en arrive-t-on là ? Il est hautement probable que c’est par un simple manque de démocratie… Combien de projets qui engagent, souvent pour des décennies, les territoires, les transformant structurellement, touchant parfois de manière définitive faune et flore, modifiant de manière irréversible le cours millénaire de la nature (qui parfois « se venge » par quelque catastrophe), ont été démocratiquement exposés et débattus ? Qui s’est inquiété de singulières dérives financières ? Qui s’est interrogé sur d’onéreux projets de « prestiges » justifiés par un improbable développement économique ou touristique et qui ne profiteront, s’ils sont réalisés, qu’à quelques « happy few » ?

Il n’est que d’assister aux séances des conseils où sont présentés de tels projets et où ils sont le plus souvent approuvés par un consensus « mou ». Le principe en a été préalablement arrêté en petit comité et l’assemblée élue est simplement invitée à apporter son acquiescement ; de débat, point et quelques élus se bornent, au mieux, à déplorer cette démocratie édulcorée. Dès lors, à défaut de la nécessaire discussion préalable et d’une solution de compromis, il ne reste au citoyen tenu en lisière des décisions que le recours juridique.

Même au plan local, la démocratie représentative possède peut-être, un peu trop de représentativité et pas assez de démocratie…

Fusion ou confusion ?

La presse rappelait il y a quelques jours, que ce 01er janvier 2015, était l’anniversaire des cinquante ans de la fusion des communes de Barneville et de Carteret. Dans un pays où le moindre évènement est prétexte à commémoration de tous ordres, avec roulements de tambour et vin d’honneur, il est troublant que la municipalité n’ait pas souhaité marquer cette date. Peur de raviver des plaies mal cicatrisées chez certains ? Banalisation de la circonstance ? Désintérêt pour un acte majeur mais aujourd’hui ancien de la vie locale ? Acceptation tacite, contrainte et définitive d’un processus irréversible par les populations ? Pourtant…

Quand on écoute autour de soi, on peut entendre une petite musique qui ne laisse point d’interroger. C’est ici, à l’occasion de la désignation d’une présidence d’association, des voix qui s’interrogent sur l’origine de élu : « est-y de Cart’ret, au moins ? ». C’est là, des récriminations de telle partie de la commune qui trouve qu’on en fait trop pour une autre, et vice-versa. C’est encore la vindicte contre tel ou tel qui, bien qu’originaire de quelques lieues et résident permanent de la commune, demeure considéré comme un « horsain ». C’est toujours, à l’occasion des scrutins municipaux, il y a quelques temps, une liste manifestement « chauvine » dont le résultat a montré la caractère à tout le moins « clochemerlesque » de l’entreprise ; plus récemment, dans les mêmes circonstances, ce sont les déclarations enflammées et parfaitement grandiloquentes de candidats justifiant à grand bruit « d’être né quelque part »… Chacun pourrait, en écoutant autour de lui, enrichir la courte liste de ces quelques exemples.

C’est donc que cette fusion, bien que cinquantenaire, a eu et a bien du mal à conquérir les esprits et les coeurs. Et pourquoi donc ?

Quand on écoute les témoins oculaires de l’évènement, voire un ancien premier magistrat, on ne peut que constater que cette fusion a été imposée au débotté, à la hussarde, sans préparation, sans consultation préalable ; qu’elle a été réalisée sans la participation effective et active des populations ; que lesdites populations n’avaient été que très peu, voire pas du tout, préparées à « vivre ensemble » ; que le mouvement, au lieu de venir d’en bas, a été impulsé du sommet, soit à l’envers ; que le maire de l’époque, sans doute touché par le Saint-Esprit (ou, ce qu’on n’ose imaginer, par quelque intérêt plus personnel), avait voulu et imposé cette décision ; que là où devait correspondre une évidence historique, géographique, sociologique, préparée de longue date, les élus de l’époque s’étaient faits « forcer la main » au nom d’incitations financières dont le pouvoir central a la discrétion et la toute-puissance .

A l’heure où, à nouveau, va se poser le problème de la construction de nouvelles entités locales élargies, la fusion entre Barneville et Carteret est à l’évidence l’exemple de ce qu’il convient de ne pas faire ; alors oui, pour cela, il eût été utile de commémorer cet anniversaire : pour l’avenir !!!.

Entre révolte et espoir !!!

L’actualité immédiate oblige à élever le regard et le porter un peu au delà des limites de notre territoire.

Ainsi donc, parce qu’au nom d’une religion dévoyée et mal assimilée un quarteron de psychopathes barbares manipulés par des prédicateurs illuminés et des idéologues d’un autre âge, a cru que son dieu avait été offensé par des caricatures et ils ont estimé, pauvres soldats perdus d’une cause perdue, que les dessins et leur légende pouvaient être gommés à la kalachnikov.

En prenant la vie à une bande de « doux dingues » qui acceptaient d’être tout sauf pris au sérieux, qui riaient de tout mais pas avec tout le monde et ne voulaient voir que l’homme dans un monde où il est nié, ils ont cru que les balles qui vont, dans l’instant, plus vite et plus fort que les idées, détruiraient celles-ci en détruisant celles et ceux qui les portent.

Ils ne savaient pas, ces pauvres hères, que le rire, propre de l’homme, est consubstantiel à la liberté qui autorise la caricature, la dérision, l’irrévérence, la satire, l’impolitesse, la « déconne »,  l’insolence et l’irrespect pour autant qu’elle ne s’attaque pas aux personnes, mais seulement aux idées, aux dogmes, aux fonctions et aux positions acquises, à la suffisance, à la prétention, aux certitudes et aux vérités assénées.

Le rire est absolument intolérable aux dictatures car il ne s’encombre pas de l’obéissance, de la croyance et de la discipline.

Le monde actuel, malade du politiquement correct, assoiffé de la révérence et du respectable, avide de reconnaissance, handicapé de la bien-pensance a un besoin vital de Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski, Cayat et Maris, ainsi que de Charlie-Hebdo comme en son temps de Hara-Kiri  avec Cavanna, Reiser, le professeur Choron, etc.

Les hommes de raison et d’intelligence ont besoin des dessins des premiers et des analyses économico-sociales anticonformistes du dernier. Ils faisaient sourire, rire, parfois jaune, quelquefois tiquer, mais toujours réagir. Ils sont tombés, heureusement d’autres vont se lever.

Clap de fin…

Au moment où tombe le rideau sur 2014, dans son édition du mardi 30 décembre, La Presse de la Manche publie les résultats du recensement de la population pour 2012. Pour le département, la presqu’île et la commune, c’est plus que médiocre.

En dépit des rodomontades de nos « chers » élus, le moins qu’on puisse dire c’est que le territoire, aussi bien en vue large que rapprochée, manque singulièrement d’attractivité. Au même moment où géographes et démographes constatent un irrépressible mouvement des populations vers le littoral, mouvement qui devrait d’ailleurs s’amplifier dans la décennie à venir, le nôtre de littoral semble furieusement se tenir à l’écart de la tendance générale.

Quand on focalise sur la commune, une perte en 6 ans (une mandature municipale) de 57 résidents permanents, si ce n’est pas énorme en valeur absolue comme en valeur relative (- 0,5 %), demeure inquiétante, voire très inquiétante car, d’une manière générale, les mouvements naturels de population sont lents et d’amplitude mesurée. Cette perte traduit au fil du temps un glissement vers la « réserve d’indiens ». Et encore, manque à ce recensement quantitatif, la structure de la population sédentaire en termes de pyramide des âges qui, sans aucun doute, ajouterait de l’inquiétude à l’inquiétude.

Barneville-Carteret : une commune vieillissante et en déclin. Les rares nouveaux habitants sont très majoritairement des retraités (l’auteur du présent propos en fait d’ailleurs partie), population qui par nature ne se renouvelle pas et s’éteint. Si l’on s’en tient seulement à ce critère du dynamisme démographique, force est de constater que la dernière municipalité, comme les précédentes d’ailleurs, à lamentablement échoué : les jeunes ménages ne viennent pas s’installer ici. Il faut espérer que l’actuelle, au delà des effets de manches, promesses et incantations, prenne la pleine mesure du problème et dégage des débuts de solution.

Dans un prochain billet, il sera tenté de donner une explication parmi d’autres (elles sont certainement multiples) à cette dramatique désaffection ainsi qu’une piste pour une amorce de solution (elles sont tout aussi nombreuses).