Prendre l’argent là où il est…

Conseil communautaire de la 3CI ce jeudi soir : choeur des pleureuses reprenant l’antienne maintes et maintes fois servie sur « les caisses des collectivités vides » et en corollaire, « l’odieux désengagement financier de l’Etat qui laissent ces mêmes collectivités dans la plus grande impécuniosité » ; cela commence d’être assommant !!! On pensait, sans doute à tort, que ces élus s’étaient présentés aux suffrages de leurs concitoyens, précisément pour proposer et mettre en oeuvre des solutions, pas pour soulever les problèmes et ratiociner sur leur existence.

Justement, lors de ce conseil, venait en discussion le choix de la taxe de séjour, son taux et sa mise en place.

On rappellera simplement qu’il s’agit d’une contribution mise à la charge des personnes non-résidentes d’une commune, qui ne sont donc pas assujetties à la taxe d’habitation, hébergées à titre onéreux chez un logeur professionnel ou occasionnel. D’emblée, il est important de souligner que si c’est le logeur qui verse la taxe aux collectivités, il ne fait que la reverser ; il n’en est que le redevable légal puisqu’il l’a perçue (comme pour la TVA) et que ce n’est en aucun cas une charge pour lui puisqu’il la répercute dans le prix de l’hébergement ou en sus.

Il existe deux sortes de taxe  : une, dite réelle qui est liquidée sur chaque facturation d’hébergement (nuitée, semaine, quinzaine, etc) et une seconde dite forfaitaire liquidée sur la capacité d’hébergement du logeur et prenant en compte la durée, dans l’année civile, de l’application de la taxe. Cette durée d’application est décidée par les collectivités comme le sont les taux (applicables au deux taxes et variables selon la nature et la qualité de l’hébergement) et les abattements (concernant seulement la forfaitaire) ; ces deux derniers étant encadrés par le législateur.

La justification, ô combien équitable, de cette taxe réside dans le fait que directement ou indirectement, les résidents temporaires bénéficient des mêmes services généraux et collectifs qu’ils utilisent, comme les résidents permanents ou secondaires qui eux les paient au travers de la taxe d’habitation. En outre, on sait que le dimensionnement des infrastructures est naturellement en relation avec le nombre supposé de ces résidents potentiels. Toutefois, le législateur lie directement cette taxe au tourisme et la conditionne à la réalisation effective par la collectivité bénéficiaire d’actions de promotion touristique ou de protection et de gestion des espaces naturels. On remarquera que cette condition a un libellé tellement vaste et flou que beaucoup d’interventions pourraient aisément être couvertes par une pareille obligation. Ainsi, apparaît clairement que tout ou partie des opérations de défense contre les submersions marines et la sauvegarde du littoral pourraient être financées par cette rentrée fiscale.

On pressent d’emblée que dans une collectivité où sont installés plusieurs hôtels, gîtes, meublés, campings, etc, etc, il y a là un gisement évident de rentrées financières ; encore faut-il que ladite collectivité se donne les moyens d’établir les conditions de perceptions significatives. Et c’est là, force est de le constater, que la 3CI  la joue manifestement « petit bras ».

C’est d’abord par le choix d’une période d’application de la taxe ad minimum : ne retenir que les mois de juin , juillet et août confine au mesquin ; d’une part, parce que c’est faire fi des nouvelles habitudes de séjour des touristes qui privilégient les courts séjours multipliés à un séjour unique de longue durée, de l’organisation des congés scolaires, de la désaffection des deux mois traditionnels de vacances du plein été au profit de l’avant et de l’après-saison, du choix des seniors d’éviter ces mêmes congés scolaires en bénéficiant de tarifs attractifs ; d’autre part, parce que on voit mal comment les résidents des autres mois seraient moins touchés par les actions menées pour les faire venir et seraient moins utilisateurs des services collectifs ou moins concernés par les actions de protection et de gestion des espaces naturels et enfin, parce que c’est en flagrante contradiction avec le sempiternel discours sur l’allongement de la saison en Côte des Isles (au niveau où se situe la taxe par nuitée, on ne peut que douter de son efficacité pour faire glisser les séjours). Comprenne qui pourra !!!

C’est ensuite le choix fait sur le taux de la taxe : ne retenir, par exemple, pour un 5* qu’une modeste contribution de 1,50 € à la nuitée (fourchette entre 0,65 et 3,00) laisse pantois, alors même que le coût réel de l’hébergement oscille entre 300 et plus de 1000 € et l’ on se doute bien que pour ce type de clientèle, une taxe de séjour maximale de 3€ est proprement insupportable et serait de nature à les faire changer de destination !!! Certes, le territoire ne comporte pas (encore) de ces hébergements de haut standing et de luxe, mais quel symbole que le choix de ce taux !!! Car  la même modestie de taxation touche les autres catégories d’hébergement qui y sont, elles, présentes, exception faite des 4 *.

Enfin, c’est dans le choix des abattements à appliquer sur le reversement de la taxe collectée (seulement la forfaitaire), de 50% pour trois mois d’hébergement durant la période d’application (20 pour un mois et 40 pour 2), autrement dit, si durant la période, l’hébergement est complet, on laisse imaginer la part de taxe que l’hébergeur se met dans la poche…

On notera par ailleurs que la taxe de séjour est une des taxes les plus fraudées et que le premier critère de choix d’un hébergement est, à coup sûr, le niveau de la taxe de séjour…!!!

Au final, on ne peut certainement pas considérer que la collectivité 3CI pratique le « matraquage fiscal »…en revanche, le moins qu’on puisse en dire c’est qu’il y a manifestement renonciation à recettes pour elle, laquelle viendra certainement ensuite expliquer qu’elle est obligée de « sabrer » fonctionnement et investissements car ses budgets sont plus que serrés !!!

On ne fera pas l’injure aux élus communautaires de les penser laxistes dans le domaine fiscal puisqu’ils n’ont pas sur d’autres impôts, l’excès de prudence montré ici , mais on peut néanmoins à bon droit se demander si, pour le lobby local des logeurs, ils n’ont pas les yeux de Chimène.