Balance ton port…

Drôle de cadeau de fin d’année offert aux fanfarons, aux sûrs-de-soi, aux fiers-à-bras, aux méprisants, aux droits-dans-leurs-bottes, enfin à tous ceux (et toutes celles) qui étaient certains que l’agrandissement du port de plaisance de Carteret était plié et que la dénaturation du havre allait être un long fleuve -ou plutôt, au cas particulier, un long havre- tranquille…

Mais voilà, alors même que l’on avait chanté sur tous les toits que la quasi totalité de la population de Barneville-Carteret, avait, avec enthousiasme et engouement, approuvé le projet et était, qui plus est, impatiente de constater sa réalisation, las, une association environnementale et une vingtaine de résidents viennent de déférer devant le Tribunal administratif de Caen, l’autorisation de travaux accordée par le Préfet de la Manche.

On nous avait donc menti, ou à tout le moins, largement enfumé, sur ce consensus presque général et tout en ferveur, car il y a fort à parier que les sceptiques, les réservés, les dubitatifs et autres « peu emballés » sont très certainement beaucoup plus qu’une vingtaine…

Il ne s’agit certes pas encore d’un barrage sur le cours du chantier mais déjà d’un sérieux embâcle*… Les progressistes, ceux pour qui le progrès est peu ou prou de plier la nature à leurs désidératas au risque même qu’un jour celle-ci « se venge » (cf. : La Faute-sur-mer), se trouvent donc sérieusement freinés par une horde de gaulois, de réfractaires, de grincheux , d’aigris, de jamais contents, de passéistes, etc, etc, incapables d’envisager les edens vers lesquels les visionnaires, les phares de la pensée post-moderne, les avant-gardistes, les « constructeurs » et les « positivistes » veulent les emmener.

On ne peut s’empêcher, même si le cas est différent, de rapprocher une réelle prévention à l’égard de l’extension du port de Carteret du rejet de la construction d’un nouveau port de plaisance à Brétignolles-sur-mer en Vendée.

Et si les citoyennes et les citoyens désiraient simplement que la nature soit un peu plus et mieux respectée ?

* Embâcle : obstruction du lit d’un cours d’eau par la glace, du bois flotté, des déchets divers flottants qui en limitent le débit.

 

Un douloureux réveil …

Dans le numéro daté du 20 novembre 2019 de la Presse de la Manche, s’étalent sur une demi-page, l’inquiétude et la colère de plusieurs résidents de Barneville-Carteret  quant aux toutes premières nuisances (le chantier vient juste de commencer) des travaux générés par l’agrandissement du port de plaisance. Pour faire bonne mesure, on y trouve également une lénifiante réponse d’un dénommé Morin en charge au département des infrastructures portuaires, qui peut être ainsi résumée : « tout va bien, braves gens, dormez en paix ; tout est sous contrôle…« 

Si de prime abord, les récriminations semblent fondées pour être appuyées sur des constatations nombreuses et factuelles, on ne peut que s’étonner de celles-ci puisque depuis des mois et des semaines, la population est enfumée par un discours d’un optimisme béat et d’un volontarisme sectaire qui repoussent avec morgue et suffisance les interrogations et les réserves de celles et ceux qui sont plus que dubitatifs sur cette frénésie de domestiquer la nature (force est de constater qu’il en est pour de nombreux hobereaux locaux qui, comme de l’aristocratie nationale, veulent avoir leur Beaubourg ou leur pyramide du Louvre).

Mais, diable, de quoi ont peur ces « mauvais » citoyens, puisque tout a été prévu, pesé, étudié, ausculté, analysé, envisagé ? Des sachants autoproclamés, faisant fi des questionnements de personnes se prévalant seulement de bon sens et d’une once de connaissance sur le sujet, ont décrétés que le projet avancé ne présentait aucun risque écologique (faune et flore), aucun risque environnemental, aucun risque hydrologique, aucun risque sédimentaire, aucun risque paysager, pas plus que de risque financier du à des dépenses récurrentes : on bouleverse l’ordre naturel d’un havre multimillénaire et rare mais c’est sans aucune atteinte au site, sans aucun désagrément, sans aucun danger et au moindre coût !!!

En revanche, est promis à la Côte des Isles et plus particulièrement à Carteret, un véritable Eldorado, avec un développement sans égal, une dynamisation jamais vue, des commerces nombreux et florissants, des animations inimaginables ; bref, Deauville et La Baule n’ont qu’à bien se tenir… Mais n’était-ce pas là le même discours qui avait fait florès  avec la construction du port initial mais qui a vu Carteret perdre la moitié au moins de ses commerces,  sa population permanente à tout le moins stagner et une localité en état de léthargie de septembre à juin…?

Cependant, on ne saurait trop conseiller aux récalcitrants du progressisme local d’être prudents dans leurs récriminations : des fanatiques du projet et supporters zélés de ses promoteurs vouent facilement aux gémonies celles et ceux qu’ils ne jugent pas dans le sens de leur progrès et d’aucuns, au titre de « contributions positives et constructives« (sic), sont même allés jusqu’à suggérer de déposer au domicile de ces sceptiques les tonnes de sédiments extraits pour le chantier ; attention donc à vos jardins…

P.S. : Il semblerait que depuis quelques semaines, peut-être suite à la menace d’un résident de faire analyser les boues retirées du havre et répandues sur la plage de Barneville, ces déversements aient été interrompus… Ces « sédiments neutres » ne seraient-ils pas si neutres que ça ? Cacherait-on certaines choses aux citoyens ?

Matière à réflexion

En ces temps de période pré-électorale où le suffrage de chaque électrice ou électeur est, ou va être, sollicité par des prétendants ayant, à toute force, prétention de la ou le représenter, de parler en son nom, de faire son bonheur quotidien ou encore de lui préparer le plus radieux des avenirs, le tout, bien évidemment sans bourse déliée ou presque, on trouvera ci-après un texte redécouvert au cours de lectures récentes qui pose bien le problème de la démocratie représentative et devrait inciter à un vote réfléchi :

Citoyens ,

Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant votre propre vie, souffrant des mêmes maux.

Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus ; les uns comme les autres ne consultent que leur propre intérêt et finissent toujours par se considérer comme indispensables.

Défiez-vous également des parleurs incapables de passer à l’action ; ils sacrifieront tout à un discours, à un effet oratoire ou à un mot spirituel.

Enfin cherchez des hommes aux convictions sincères, des hommes du peuple, résolus et actifs ayant un sens droit et une honnêteté reconnue.

Evitez également ceux que la fortune a trop favorisés car trop rarement, celui qui possède la fortune est disposé à regarder le travailleur comme un frère.

Porter vos préférences sur ceux qui ne brigueront pas vos suffrages ; le véritable mérite est modeste, et c’est aux électeurs de choisir leurs hommes et non à ceux-ci de se présenter.

Nous sommes convaincus que si vous tenez compte de ces observations, vous aurez enfin inauguré la véritable représentation populaire, vous aurez trouvé des mandataires qui se ne considèreront jamais comme vos maîtres.

Comité central de la Révolution de 1871* – Election à la Commune.

N.B. : La déconsidération actuelle de la Démocratie, du Suffrage universel et des Elu(e)s, due, entre autres, au comportement inadmissible de certain(e)s de ces derniers(ères) qui ont manifestement brigué les suffrages de leur concitoyens pour « se servir plutôt que servir » donne un relief et une actualité saisissants au texte présenté.

*Il convient bien évidemment pour l’actualité de cet appel, de le féminiser en complétant chaque masculin, puisqu’en 1871, les femmes ne disposaient, hélas, ni du droit de vote, ni du droit de se faire élire…