Racines

Avec les beaux jours, les congés et le retour des touristes, est revenu le temps du pavoisement de la commune sur les mâts à pavillon implantés aux principales entrées ou lieux marquants de celle-ci.

Pour l’heure, fort heureusement, n’a pas reparu l’espèce de chiffon aux couleurs incertaines et au slogan improbable sensé symboliser et identifier la commune. Cette dernière avait, depuis l’unification de Barneville et de Carteret, un blason qui conjuguait les armoiries de chacune, lesquelles venaient d’un lointain passé historique, pour former son pavillon.

On rappelle à cet égard, que celui de Carteret  « de gueules, à quatre fusées d’argent posées en fasces  » possède un double cousinage qui fait référence à Jersey et à Monaco, par la reprise dans chacun de leur blason respectif du même emblème héraldique, la première marquant la domination de l’île par les Regnault de Carteret et la seconde, l’alliance de la famille de Matignon, seigneurs de Carteret avec celle des Grimaldi, seigneurs du Rocher. Quant à celui de Barneville, « de gueules, à une tour d’argent maçonnée« , il montre par cette tour symbolisée, le rôle de veilleur dans la défense militaire du littoral, du clocher fortifié de son église.

Las, des esprits sans doute piqués de modernisme et de communication (cette hideuse com’ qui pollue tout), ont remisé les symboles chargés d’histoire et de sens pour des graffitis sacrifiant à la mode des « pubards » et, sans doute pensent-ils, aux « réalités économiques ».

Un pays (une commune) qui oublie son histoire et son passé, a un présent hypothétique et un avenir compromis.

La municipalité a, croit-on se souvenir, institué une « commission historique extra- municipale », chargée de donner aux décideurs un avis sur des actions susceptibles d’être marquées de résonances historiques ; on s’étonne que cette dernière ne se soit pas indignée de cet escamotage des racines communales.

Réflexion

Au moment même où un petit marquis poudré tenant de la verticalité du pouvoir, de la suffisance technocratique et du profond mépris de la France périphérique, s’apprête par une révision constitutionnelle à accentuer de manière très significative le caractère de monarchie républicaine des institutions, le hasard de la relecture des écrits d’un grand normand du Cotentin, Alexis de Tocqueville, a permis de retrouver une forte et très actuelle pensée sur le communalisme :

« C’est dans la commune que réside la force des peuples libres. Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l’usage paisible et l’habituent à s’en servir.

Sans institutions communales une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n’a pas l’esprit de liberté. »

Les princes -au sens machiavélien du terme- qui ont la prétention de diriger les citoyens, entourés seulement de quelques conseillers et d’une habile communication, seraient fort avisés de retourner aux fondamentaux de la conduite des Hommes et de l’organisation de la cité.